« Squat » de Yannick Bouquard. Éditions la brune au rouergue.

 

Ce roman est inspiré d’une histoire vécue, il nous plonge dans ce que l’auteur appelle des « réquisitions citoyennes ». Yannick Bouquard explique avec beaucoup d'humour, une galerie de personnage attachant ( le punk papa ours, Beyrouth le morose, le grand David qui est grand, p'tit david qui doit de l'argent à la caisse, aurore qui a de gros seins....) la réquisition d'un ancien établissement scolaire et sont occupation, par des voies souvent légales. Il pourrait presque être présenté ( comme le fait Rue 89) comme «  un petit guide du squat. » D'autant qu'on y apprend de manière très concrète comment requestionner un bâtiment.Il suffit d'occuper le lieu pendant une semaine, puis de déposer une main courante. Ensuite la machine judiciaire s'occupe du reste, c'est à dire laisse du temps au squatteurs de s'organiser...

On y découvre alors la vie quotidienne de ce lieu en marge comme la «  la scène ouverte »
«  C'est un peu le moment où pour pas un rond tu donnes et tonc cul et ta chatte. Une soirée d'artistes de rue où se regroupe tout ce que l'on peut trouver de gens coll, fin, écolos, conscients, alternatifs, artistes libres, subversifs de la pantoufle. En général de l'étudiant, du voisin desoeuvré version alcoolo de PMU du quartier, des potes squatteurs et un bataillon de jeunes cons en mal de sensations fortes » Et plus loin toujours dans le même registre : « Dans notre ancien squat, nous avons eu la chance d'accueillir un autiste spécialiste des concertos de sifflements ; des danseurs contemporains qui se roulaient au sol pendant vingt interminables minutes ; un groupe de punx castagnettes ; une compagnie de théâtre dit underground et révolutionnaire et moderne et abstrait. J'ai du subir cent ou deux centes jongleurs, une trentaine de conteurs à vous endormir une régiment d'insomniaque perfusés à la caféine pure. »  Il y aussi les installations vidéo : « ...des images des vacances de Mr Hulot et de Pauline à la plage mixées avec un quelconque film de cul de Dorcel puisque Rohmer, c'est du film de boules qui ne démarre jamais »

Vivre au quotidien, soulève aussi le problème de la reconnaissance sociale. Un des personnages en fait les frais avec son amie qui supporte difficilement une relation avec un homme vivant dans un squat. « Moi même » écrit l'auteur, «  je ne dis jamais que j'habite en squat. Sans quoi, je suis automatiquement catalogué comme camé, gauchiste, partouzeur,beatnik, marginal, fainéant, libertin, parasite, anti social, assisté, peu sur dans le boulot, voire voleur, délinquant, extrémiste etc. Peur d'entre nous le font, peu de ceux qui ont une vie sociale en dehors du squat, qui pourtant n'est pas différente de celle que nous avons en dedans à peine plus névrosée. »

Frace à cette demande de resociabilisation, le personnage interroge : « dois je céder ? Quelle sera la prochaine demande ? De m'épiler façon boloss, d'acheter le putain dernier album de Guetta et de l'écouter uniquement après dix huit heures, le reste de la journée dévolu à Zaz et à l'arrosage d'un basilic mourant balconné sur les devers de Montmartre ?

Il y a aussi la fin du squat, passage obligé. Une période psychologiquement difficile que Yannick Bouquard compare à une rupture amoureuse.

« Squat » est roman docu rare sur une question difficile et plus largement sur les sociabilités parallèles.

Le squat de la Miroiterie, Paris 20e

 

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